Qu'est-ce qu'on appelle "forêt" ?
La forêt est un milieu naturel bien connu des promeneurs. Offrant des visages variés, parfois impénétrable, parfois parcourue de larges chemins et aménagée, elle est loin, comme de nombreux milieux dits naturels, d’être spontanée.
C’est que les forêts primaires, où l’homme n’aurait encore jamais mis le pied, ne sont plus qu’un lointain souvenir.
Nos forêts ont été parcourues en long, en large et en travers et défrichées à l’époque où l’homme s’est mis à pratiquer l’élevage et à exploiter le bois pour ses constructions. Les forêts d’aujourd’hui sont donc reconstituées et résultent d’une gestion née dès le XIVe siècle, en réponse à une surexploitation menaçant la France d’une pénurie de bois.
Mais qu’est-ce qu’une forêt ? C’est une étendue relativement dense, composée d’arbres d’une même ou de plusieurs essences, que complètent des espèces associées.
En région Centre-Val de Loire, les feuillus dominent. Le Chêne pédonculé est l’essence la plus représentée. On le trouve souvent en compagnie d’autres espèces d’arbres avec lesquelles il constitue des habitats plus ou moins répandus.
Chênes et hêtres forment ainsi une chênaie-hêtraie dite acidiphile parce qu’elle se développe préférentiellement sur les sols acides, comme dans le Perche et le Pays Fort.
D’autres alliances forment des chênaies-charmaies (avec le charme) ou chênaies-frênaies (avec le frêne), installés sur des sols profonds et frais, comme en forêt domaniale d’Orléans (35 000 hectares), de Chinon ou de Blois, en forêt de Montargis, en Gâtine tourangelle, dans le Perche et le long de certaines vallées comme celle de la Loire ou de la Creuse.
Les boisements dits de ravins, composés le plus souvent de tilleuls, d’érables qu’accompagnent de très nombreuses fougères, sont, comme leur nom l’indique, installés sur les pentes plutôt exposées au nord. Ils sont assez rares et se rencontrent en vallée du Loir ou de la Creuse et en forêt de Chinon.
Entre ces principaux habitats forestiers existent de très nombreuses variantes, déterminées par les caractéristiques du sol (acidité, humidité…), la topographie et le climat, avec par exemple des forêts humides à sphaignes (on se rapproche des milieux tourbeux), ou encore des hêtraies-chênaies xérocalcicoles, sur sols calcaires et secs.
Le peuplier cultivé et les pins sylvestre et maritime sont également bien présents sur la région Centre mais constitue des habitats nettement moins intéressants d’un point de vue écologique. Ils constituent généralement des boisements plantés, dits monospécifiques, très homogènes, et offrant peu de place à la biodiversité.
Les forêts sont appelées différemment selon leur surface : de 5 à 50 ares, on parle de bosquet, de 50 ares à 4 hectares de boqueteau et au dessus de 4 hectares de bois.
Malgré de fortes disparités entre les départements*, la région Centre-Val de Loire est bien pourvue en termes d’espaces boisés qui couvrent près de 950 000 ha soit 24 % de sa surface totale.
* L’Eure-et-Loir, avec ses 76 000 hectares, est nettement moins boisé que les autres départements. C’est le Loir-et-Cher, suivi de près par le Loiret, qui est le département le plus boisé avec respectivement plus de 200 000 hectares et près de 180 000 hectares.
Source : IFEN
Les forêts, source de biodiversité ?
Derrière l’aspect homogène des forêts se cachent de nombreuses richesses. La forêt est en effet multiple : lisières, clairières, chemins, fossés, zones humides, sous-bois et peuplements de différents âges et hauteurs sont autant de sources de diversité.
Certaines essences sont à elles seules des vrais supports de vie : un chêne peut en effet accueillir de nombreux insectes sur ou sous son écorce, des champignons sur ses racines, des mousses sur son tronc, des oiseaux dans ses branches.
Le sous-bois accueille selon le sol et l’éclairage qui y parvient des plantes variées : Jacinthe des bois sous les chênaies-charmaies, fougères et champignons très divers sous les chênaies… Les arbres morts pourrissant au sol sont très favorables à la présence d’insectes qui se nourrissent de bois, tels que la Rosalie des Alpes, longicorne lié aux hêtraies collinéennes.
Certaines espèces ne vivent qu’en milieu forestier comme l’Épipactis pourpre, orchidée des endroits sombres des bois frais ou encore le Pic cendré, oiseau dont la présence est limitée à quelques grands massifs forestiers de la région Centre.
De nombreux oiseaux ont besoin de boisements pour nicher : le célèbre Balbuzard pêcheur trouve ainsi en forêt d’Orléans les conditions propices à l’installation de son nid, non loin de la Loire, site de pêche de prédilection.
La richesse biologique va dépendre des essences et de la gestion du boisement. Les secteurs peuplés d’une seule essence entretenue de manière homogène seront les moins riches. À l’inverse, les secteurs composés de plusieurs essences et gérés de façon différenciée (taillis, secteurs de bois mort, clairières…) permettront à des espèces animales diverses de s’installer.
L’intérêt des forêts est encore plus large : depuis leur capacité à stocker du carbone, les propriétés du sol, des mousses et lichens en termes de capture des polluants contenus dans l’eau ou dans l’atmosphère, jusqu’à la protection des sols maintenus par les racines.
Les forêts sont aussi essentielles comme corridors écologiques offrant aux espèces des abris et des espaces de circulation. Dans des secteurs très cultivés, comme en Beauce, ce rôle est fondamental et les boisements constituent plus globalement des refuges pour la faune.
État des lieux des forêts sur le réseau de sites Conservatoires en Centre-Val de Loire
Déclinaison du plan d’actions quinquennal 2018-2022, deux études ont été conduites en 2019 et en 2021 sur les forêts anciennes* et les forêts récentes** maîtrisées par les Conservatoires régional et départemental. L’objectif était de dresser un état des lieux des forêts (surface, maturité et naturalité) préalable à la rédaction d’une stratégie forestière et à la mise en œuvre d’un suivi forestier à long terme dans le contexte du réchauffement climatique.
Chiffres-clé de cet état des lieux
- Surfaces des forêts maîtrisées par les Conservatoires régional et départemental : 1715,6 ha (cf tableau et carte ci-dessous) ;
Forêts
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Alluviales
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Non alluviales
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Anciennes * (4,1% du total)
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2 ha
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73,5 ha
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Récentes ** (26 % du total)
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307,7 ha
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146,6 ha
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- sur 43 sites Conservatoires, 140 placettes forestières ont été échantillonnées avec l’application de quatre protocoles (dendrométrique, naturalité, phytosociologique et pédologique) ;
- plus de 20 000 données stockées dans des tableurs sur la dendrologie, la maturité ou la naturalité de nos sites ;
- 2 943 arbres mesurés pour 43 espèces ligneuses ;
- Surface terrière totale : 29 m² / ha en moyenne ;
- Surface terrière en bois mort debout : 2 m²/ha en moyenne (maximum : 10 m²/ha) ;
- 67 TGB (très gros bois : en général supérieur à 70 cm de diamètre sauf cas particuliers) ;
- seulement 6 TTGB (très très gros bois : en général supérieur à 90 cm de diamètre sauf cas particuliers) sur les sites des Pâtureaux des Mâtines (41), de la Colline, de la Vallée des Cailles (28), aux îÎes de Bonny et à l'Île à Gaston (45).
Des milieux en libre évolution et utiles
Sur 144 sites Conservatoires, environ 1 600 ha de forêts sont laissées en libre évolution, c’est-à-dire sans intervention sylvicole. Cette place donnée à la libre expression de la nature permet de conserver la biodiversité forestière et d’assurer un stockage, efficace, du carbone atmosphérique (162 000 tonnes de Carbone, d'après une première estimation).
Cette initiative en faveur des forêts laissées en libre évolution s’intègre dans le programme Sylvae du réseau des Conservatoires d’espaces naturels. https://reseau-cen.org/fr/les-programmes/sylvae-reseau-de-vieilles-forets-des-conservatoires-d-espaces-naturels
* Forêt ancienne : une forêt est qualifiée d’ancienne lorsque sa présence est attestée depuis au moins 150-200 ans en dépit de toutes les pratiques sylvicoles éventuelles passées ou récentes (Lathuillière & Gironde, 2014 ; Cateau et al, 2015). Ce laps de temps amène à la première moitié du 19e siècle, qui avoisine le minimum forestier Français daté à environ 1850 (Cinotti, 1996).
** Forêt récente : selon l’IGN, c’est une forêt qui est établie sur un sol anciennement dévolu à un autre usage, le plus souvent agricole (culture, prairie…) et qui n’était pas encore boisé à la date des levés de la carte de l’état-major. Dans cette étude, nous nous calquerons sur cette définition en considérant comme récente une forêt absente en 1850 (carte d’état-major), mais présente à partir de 1950 (photos aériennes des années 1950).
En savoir plus
- NEW Plaquette "Protéger les forêts par la libre évolution"
- Vidéo "Aux Arbres citoyens" - Projet Sylvae
- Esteban Accarie "Ancienneté, maturité et naturalité des forêts du réseau des Conservatoires d'espaces naturels en région Centre-Val de Loire", 2019
- Simon Kuntzburger "État des lieux des forêts récentes
maîtrisées par les Conservatoires d’espaces naturels en région Centre-Val de Loire", 2021
- Sylvae, le réseau des vieilles forêts des Conservatoires d'espaces naturels, au niveau national et en régions
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